Maine-et-Loire jusqu’au 4 juin 2024 : consultation publique sur l’autorisation d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

Alors que son arrêté 2023 a été suspendu par le tribunal administratif de Nantes, la préfecture du Maine-et-Loire propose à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet au 14 septembre 2024 et du 15 mai au 30 juin 2025.

La préfecture a publié une note de présentation et un exposé sur le blaireau rédigé par la fédération des chasseurs.

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 4 juin 2024.

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 4 juin 2024 avec pour titre : « Consultation du public sur le projet d’arrêté relatif à la période d’ouverture complémentaire de la vénerie sous terre du blaireau dans le département de Maine-et-Loire 2024-2025. »

Monsieur le Préfet du Maine-et-Loire,

Alors que votre arrêté 2023 a été suspendu par le tribunal administratif de Nantes, la Direction Départementale des Territoires du Maine-et-Loire propose à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet au 14 septembre 2024 et du 15 mai au 30 juin 2025. 

Je tiens à m’y opposer et à délivrer un avis défavorable.

SUR LA FORME :

  • Votre administration a adopté en 2023 un arrêté similaire à celui qui est actuellement en cours de consultation, lequel a été suspendu par le tribunal administratif de Nantes, qui retient la méconnaissance des dispositions de l’article L.424-10 du code de l’environnement et l’absence d’intérêt de l’arrêté en litige. Si vous adoptez ce nouvel arrêté, les associations de protection de l’environnement n’auront d’autre choix que de saisir de nouveau le tribunal de céans pour le contester. 
  • L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, vous avez  publié une note de présentation qui n’apporte pas suffisamment d’éléments pour justifier la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Vous ne fournissez aucune estimation des populations de blaireaux dans le département et ne donnez aucun chiffre relatif aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, localisation, récurrence et coûts). Vous avancez seulement un chiffre global de dégâts sur la période 2019 à 2022 sans en justifier aucun. Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité. 
  • Le recensement des blaireautières par les chasseurs, à la fois juges et parties, n’apporte pas plus d’élément sur les effectifs de blaireaux de votre département. En l’absence de toute information sur la manière dont a été conduit le recensement par les chasseurs, il est impossible d’estimer les effectifs de blaireaux à partir de ces données. Au mieux elle peuvent attester la présence de l’espèce sur une partie du territoire.
  • La moyenne des bilans des prises annuelles (environ 600 individus) est extrêmement élevée alors que les effectifs ne sont pas connus sur votre territoire. Comment, dans ces conditions, la préfecture peut affirmer que les prélèvements opérés n’entrainent pas une baisse des effectifs ?
  • La vénerie sous terre est une technique de chasse aveugle qui consiste à envoyer un chien dans le terrier pour acculer les blaireaux, puis détruire leur habitat pour les en extraire avant de les tuer. Dans plusieurs départements, la transmission par l’administration des chiffres des prises de blaireaux a prouvé que la vénerie sous terre conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Le pourcentage de jeunes tués lors des opérations de vénerie sous terre peut dépasser 45% ! Elle s’ajoute à une mortalité déjà élevée chez les blaireautins. Vous avouez d’ailleurs dans la note de présentation que 90% des prélèvements de l’espèce ont lieu pendant cette période, alors que les petits sont vulnérables. 
  • La fédération des chasseurs du Maine-et-Loire relaient l’étude du contenu stomacal des blaireautins menée par la fédération nationale des chasseurs. Selon eux, l’absence de lait dans l’estomac des blaireautins permettrait de les tuer sans contrevenir à l’article L. 424-10 du code de l’environnement. Pourtant, de l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés. 
  • Les éléments chiffrés relatifs au piégeage ne sont pas de nature à justifier la période complémentaire, ils ne peuvent pas non plus être un indicateur d’estimation des effectifs de blaireaux.
  • Les vagues dégâts évoqués sur les infrastructures et les cultures agricoles ne sont étayés par aucun chiffrage. 
  • Vous tentez de justifier l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau par les risques de collision routière ou les dommages aux infrastructures. Pourtant, vous savez que la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à ce genre de problématique, ne pouvant pas être réalisée à proximité des voies ferrées ou des routes. Seules des solutions permettant un renforcement des ouvrages et la création de terriers artificiels permet de résoudre ces cas précis. Votre administration prend d’ailleurs déjà des arrêtés de destruction dans ces circonstances. Concernant les collisions routières, les blaireaux comme les autres animaux sauvages en sont les principales victimes. Il convient de diminuer la vitesse de circulations dans les zones concernées, et non de les tuer préventivement, ce qui est une aberration totale.
  • Concernant la contradiction entre l’article R. 424-5 du Code de l’environnement et l’article L. 424-10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes : « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. » La préfecture du Maine-et-Loire doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • Vous ne fournissez aux contributeurs aucune donnée permettant de justifier la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Pourtant l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement précise : 
    «1° Les décisions des autorités publiques prises conformément à une décision autre qu’une décision individuelle ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions susceptibles d’être prises conformément à celui-ci.»
    Soit ces éléments existent et vous refusez de les transmettre aux contributeurs, en contrevenant à l’article L.123-19-6 du code de l’environnement, soit vous ne possédez aucun chiffre et votre projet d’arrêté est alors entaché d’illégalité et la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau devrait être supprimée dans l’arrêté final, pour éviter un recours devant le tribunal administratif. 
  • Dans l’introduction de votre projet d’arrêté, on peut lire : «VU l’avis des membres de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage réunis le 30 avril 2024». Or, aucun compte-rendu de la CDCFS n’est annexé à votre projet d’arrêté, permettant au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d’arrêté. Vous ne précisez même pas si cet avis était favorable ou défavorable.  
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R. 424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »

À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)