Le Projet d'arrêté
La préfecture du Cher propose à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant deux périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet au 14 septembre 2024 et du 15 mai au 30 juin 2025.
La préfecture a publié une note de présentation.
AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 28 mai 2024.
Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 28 mai 2024 avec pour titre : « Consultation – prolongation de la vénerie sous terre de l’espèce blaireau pour 2024-2025 dans le Cher. »
Monsieur le préfet du Cher,
La Direction Départementale des Territoires du Cher propose à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant deux périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet au 14 septembre 2024 et du 15 mai au 30 juin 2025.
Je tiens à lui donner un Avis Défavorable !
SUR LA FORME :
- Chaque année dans votre département, la vénerie sous terre du blaireau est autorisée à partir du 15 mai, sous la pression de la fédération de chasse, et alors que vous n’avez aucun argument pour l’autoriser.
- De l’aveux même des chasseurs, la vénerie sous terre est une chasse récréative qui n’a pas d’objectif de régulation.
- L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, la note de présentation ne fournit aucune estimation fiable des populations de blaireaux dans le département et ne donne aucun chiffre relatif aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, localisation, récurrence et coûts). Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité.
- Pour estimer les effectifs de blaireaux dans votre département, vous publiez une carte de répartition du blaireau en France sur laquelle chaque point correspond aux communes dans lesquelles ont été vus au moins un blaireau en l’espace de 5 années ! Ces données ne permettent en aucun cas d’estimer l’abondance de cette espèce sur votre territoire. Même la carte interactive de l’OFB a été réalisée avec des données recueillies entre 2001 et 2010 en ce qui concerne la densité de blaireaux, donc des données qui ont entre 14 et 23 ans ! Ces données ne permettent en aucun cas d’estimer les effectifs de blaireaux dans votre département.
- Vous affirmez que la fédération départementale des chasseurs du Cher a fourni à votre administration un recueil des données sur 10 ans relatives aux populations de blaireaux dans le Cher et que « Ces données permettent de confirmer la présence d’une population non déclinante de blaireau dans le département du Cher. » Or, vous n’avez pas publié ces données en annexe afin que les contributeurs puissent les étudier, et faites confiance à la fédération de chasse qui est pourtant juge et partie dans cette affaire, puisqu’elle a tout intérêt à voir des blaireaux partout pour convaincre vos services de leur offrir une ouverture anticipée de la vénerie sous terre.
- Vous affirmez que sur les six dernières années, près de 500 blaireaux ont été tués dans le département, dont 2/3 par déterrage. Toutefois, vous ne publiez pas le nombre de prises annuelles et le ratio entre adultes et jeunes. Dans plusieurs départements, la transmission de ces chiffres par l’administration a prouvé que la vénerie sous terre est une pratique aveugle qui conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Le pourcentage de jeunes tués lors des opérations de vénerie sous terre peut dépasser 45% ! Elle s’ajoute à une mortalité déjà élevée chez les blaireautins.
- Vous citez dans votre note de présentation le rapport du sénateur Pierre Cuypers, Sénateur qui n’a jamais caché sa proximité avec le lobby cynégétique et qui a rendu un rapport à charge contre le blaireau, rapport qui a été dénoncé par plusieurs de ses collègues, mais également par l’ANSES. En effet, le rapporteur s’appuie sur les écrits du Dr Philippe Mourguiart. Celui-ci travaille en tant que « Conseiller scientifique à la Fédération Régionale des Chasseurs de Nouvelle-Aquitaine ». Monsieur Mourguiart n’est pas un chercheur indépendant, mais un consultant payé par une fédération de chasseurs. Ses publications sur le blaireau n’ont jamais été produites dans des revues soumises à comité de lecture. L’indépendance de Monsieur Mourguiart doit être remise en cause et la validité de sa conclusion avec elle. Sa synthèse conclut par le fait que la période d’émancipation des blaireautins s’achèverait à la fin du mois d’avril, alors qu’aucune des sources qu’elle mentionne ne comprend cette information. Au contraire, toutes les sources de Monsieur Mourguiart affirment qu’un blaireau ne peut être considéré comme adulte qu’à compter de sa première année d’existence.
- Vous relayez l’étude du contenu stomacal des blaireautins menée par la fédération nationale des chasseurs. Selon vous, le fait que « la majorité des blaireautins n’ont pas de lait dans l’estomac » permettrait de les tuer sans contrevenir à l’article L. 424-10 du code de l’environnement. Pourtant, de l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés.
- Dans la note de présentation, vous omettez volontairement d’évoquer la période de dépendance des blaireautins, car cela obligerait les agents de la DDT de reconnaitre qu’en autorisant la période complémentaire chaque année au 15 mai, ils autorisent la destructions de petits, ce qui rendrait l’arrêté illégal en regard des nombreuses jurisprudences.
- Concernant la contradiction entre l’article R. 424-5 du Code de l’environnement et l’article L. 424-10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :« L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
La préfecture du Cher doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements. - La note de présentation tente de justifier la période complémentaire par les supposés dégâts aux infrastructures, aux bâtiments et aux parcelles agricoles, sans pouvoir en justifier ou en chiffrer un seul. Vous vous contentez de dire que l’existence de dégâts causés par les blaireaux est avérée dans le département puisque 11 arrêtés préfectoraux de chasse particulière du blaireau par piégeage ont à ce jour été pris pour la saison 2023-2024 et 16 arrêtés préfectoraux pour la saison 2022-2023. Cela prouve seulement que l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre n’est absolument pas efficace et ne répond pas aux problématiques de dégâts, puisque vous prenez des arrêtés de chasse particulière quand ces dégâts sont avérés.
De plus, vous ne présentez aucun moyen de prévention qui permettrait d’éviter la mise à mort des blaireaux. - Vous ne fournissez aux contributeurs AUCUNE donnée chiffrée permettant de vérifier la véracité des dégâts attribués aux blaireaux, leur périodicité et leur criticité. Pourtant l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement précise :
«1° Les décisions des autorités publiques prises conformément à une décision autre qu’une décision individuelle ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions susceptibles d’être prises conformément à celui-ci.»
Soit ces éléments existent et vous refusez de les transmettre aux contributeurs, en contrevenant à l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement, soit vous ne possédez aucun chiffre et votre projet d’arrêté est alors entaché d’illégalité et la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau devrait être supprimée dans l’arrêté final, pour éviter un recours devant le tribunal administratif. - On peut lire dans la note de présentation que « Cette proposition a été adoptée à la majorité par les membres de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) réunie le 2 mai 2024.«
Or, si chacun sait que ces commissions sont déséquilibrées et que les représentants d’intérêts cynégétiques y siègent en large majorité. La publication d’un compte-rendu de la CDCFS aurait permis au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d’arrêté. - De surcroît, on peut lire dans l’introduction de votre projet d’arrêté : « Vu la demande de la fédération des chasseurs du Cher du 21 mars 2024 », ce qui prouve que votre administration ne fait que répondre aux injonctions de la fédération de chasse. Pourtant, de plus en plus de tribunaux reconnaissent que les arrêtés autorisant la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau au 15 mai mettent en danger les petits et prononcent des suspensions ou des annulations. En réclamant l’ouverture de la période complémentaire de vénerie sous terre au 15 mai, la FDC18 et la DDT18 montrent leur méconnaissance de l’espèce et prouvent qu’elles défendent les intérêts des chasseurs au mépris de l’intérêt général.
- Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.
LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU :
Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations.
Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants :
- Insuffisance de démonstration de dégâts
- Illégalité destruction « petits » blaireaux
- Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
- Insuffisance de justifications dans la note de présentation
- Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
- Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
- Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
- Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
- Illégalité de l’article R. 424-5 du code de l’environnement
- Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
- Maturité sexuelle des petits non effective
- Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures
SUR LE FOND :
- Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste. - Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
- La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens.
- La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
- Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
À PROPOS DU BLAIREAU :
- Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
- Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
- Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
- La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
- Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
- Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
- Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
- Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
- Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
- En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
- Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)
Consultation en cours.
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