Le Projet d'arrêté
La préfecture de la Corrèze propose à la consultation du public un projet d’arrêté instaurant l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 juin 2024 au 14 septembre 2024.
La préfecture a publié une note de présentation.
AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 7 juin 2024.
Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé.
Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 7 juin 2024 avec pour titre : « Projet d’arrêté préfectoral instaurant l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous-terre de l’espèce blaireau du 15 juin 2024 au 14 septembre 2024 »
Précision importante : enfants, adultes, tout le monde a le droit d’exprimer son avis sur ce projet d’arrêté !
Monsieur le Préfet de la Corrèze,
Alors que le tribunal administratif a annulé la période complémentaire de vénerie sous terre dans votre département en 2022, la fédération de chasse vous réclame de bien vouloir l’autoriser à nouveau en 2024.
Je tiens à donner un AVIS DÉFAVORABLE à votre projet d’arrêté préfectoral instaurant l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 juin 2024 au 14 septembre 2024.
SUR LA FORME :
- Dans votre note de présentation, vous rappelez le contexte règlementaire en soulignant que le sénateur Pierre Cuypers, auteur d’un rapport, « réaffirme la légalité de la vénerie sous terre, en tant que mode de chasse » ce qui d’une part est hors sujet, puisqu’il est question ici de la période complémentaire de vénerie sous terre et non de la pratique de la vénerie sous terre lors de la période générale. D’autre part, le Sénateur Pierre Cuypers n’a jamais caché sa proximité avec le lobby cynégétique et a rendu un rapport à charge contre le blaireau, rapport qui a été dénoncé par plusieurs de ses collègues, mais également par l’ANSES.
- La lecture que vous faites de la décision rendue par le Conseil d’Etat est biaisée, puisque s’il précise que ce mode de chasse est autorisé par l’article L. 424-4, il met à la charge des préfets de s’assurer qu’une ouverture anticipée ne violera pas l’article L. 424-10 du code de l’environnement. Or, la vénerie sous terre est une technique de chasse aveugle qui consiste à envoyer un chien dans le terrier pour acculer les blaireaux, puis détruire leur habitat pour les en extraire avant de les tuer. Dans plusieurs départements, la transmission par l’administration des chiffres des prises de blaireaux a prouvé que la vénerie sous terre conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Le pourcentage de jeunes tués lors des opérations de vénerie sous terre peut dépasser 45% et s’ajoute à une mortalité déjà élevée chez les blaireautins.
- De l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés.
- Vous affirmez que « Dans le département, il est prévu que cette période complémentaire soit repoussée d’un mois, soit au 15 juin afin de permettre une meilleure prise en compte du cycle biologique du blaireau. » Pourtant, l’ouverture de la vénerie sous terre du blaireau au 15 juin provoquera la mort d’un nombre élevé de blaireautin et est tout aussi illégale.
- Vous reconnaissez dans votre note de présentation que « Le blaireau est une espèce peu connue et peu suivie en France ». Pour estimer les effectifs de blaireaux dans votre département, vous publiez une carte de l’évolution des densités de blaireaux sur l’ensemble de la France métropolitaine dont les données datent de plus de 23 ans pour les plus anciennes et 13 ans pour les plus récentes. En tout état de fait, les zones les plus peuplées de votre département abritent 5 à 10 fois moins de blaireaux que les départements les plus peuplés, ce qui n’est pas de nature à justifier une période complémentaire de vénerie sous terre.
- L’estimation du nombre de terriers sur votre territoire et le nombre de blaireaux que vous en déduisez est purement spéculatif et n’est étayé par aucune donnée réellement issue de votre département. Vous ne pouvez pas utiliser des estimations aussi peu fiables pour fixer un quota sur votre arrêté chasse.
- D’ailleurs, alors que vous estimez la population de blaireaux à 9490 individus sur votre territoire, le blaireau n’a été aperçu que dans 27 communes en 2023 et 18 communes en 2024, alors que votre département en compte 279. Les comptages sont-ils réellement réalisés sur une si petite partie du territoire, ou la fédération a-t-elle décidé d’exclure de ses statistiques les territoires dans lesquels elle ne voit pas de blaireaux ?
- Dans l’introduction de votre projet d’arrêté, vous écrivez « Considérant que le blaireau est peu prélevé par la chasse à tir en raison de son rythme biologique et de son activité essentiellement nocturne » ce qui est contredit par les chiffres que vous fournissez aux contributeurs. En effet, si on calcule la moyenne des données fournies, on obtient 934 blaireaux prélevés par tir, contre 329 blaireaux tués lors de la pratique de la vénerie sous terre chaque année. De plus, vous rappelez bien qu’en cas de dégâts avérés, « le blaireau peut faire l’objet d’opérations de destruction justifiées conformément aux dispositions de l’article L. 427-6 du code de l’environnement. »
- Le plafonnement des prélèvements par vénerie sous terre que vous avez ajouté à votre projet d’arrêté suite à votre condamnation par le tribunal administratif est une mesure tout à fait hypocrite, puisque vous comptez autoriser le déterrage de 480 individus par an, ce qui est largement supérieur à la moyenne des animaux déterrés ces dernières années. Ce quota a été calculé à partir d’estimations non fiables.
- Pour pallier à l’absence de données, la fédération de chasse, qui réclame l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre, a envoyé un questionnaire aux maires pour leur demander si l’espèce est présente sur leur territoire. Cette enquête déclarative n’a aucune valeur scientifique et ne permet de tirer aucun conclusion sur les effectifs de blaireaux dans votre département.
- Malgré la limitation de la pratique de la vénerie sous terre ces dernières années, il n’y a eu que 30 arrêtés préfectoraux de destructions administratives pris pour la saison cynégétique 2022-2023, 25 pour la saison 2021-2022, et 23 pour la saison en cours, ce qui tend à prouver que les prélèvements qui ont atteint 747 blaireaux tués par vénerie sous terre en 2017 étaient démesurés par rapport aux nuisances que vous attribuez à l’espèce.
- De l’aveux même des chasseurs, la vénerie sous terre est une chasse récréative qui n’a pas d’objectif de régulation.
- En ce qui concerne les dégâts réellement rapportés, il s’agit de 35 déclarations pour un préjudice estimé à 13945€ contre 46225€ dans la note de présentation 2023. Là encore, vous ne fournissez aucun détail au contributeur pour en vérifier la véracité, la récurrence et la criticité. En tout état de cause, le montant des dégâts que vous rapportez est nettement en baisse, alors que la vénerie sous terre est peu pratiquée depuis 2020.
- Concernant les supposés dégâts aux infrastructures, la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à une problématique de terrier sous une voie ferrée ou sous une route. Vous reconnaissez d’ailleurs que dans de pareilles circonstances, votre administration prend des arrêtés de destructions administratives.
- L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, la note de présentation n’apporte aucun élément pour justifier cette période complémentaire. Elle ne fournit aucune estimation fiable et récente des populations de blaireaux dans le département, ni des dégâts attribués à l’espèce. Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Vous vous contentez de les citer en dénonçant leurs limites, sans dire si elles sont mises en place sur le terrain. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité.
- Concernant la contradiction entre l’article R. 424-5 du Code de l’environnement et l’article L. 424-10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes : « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. » La préfecture de Corrèze doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
- La CDCFS a été consultée le 23 avril 2024 et le 17 mai 2024 et a donné un avis favorable à votre projet d’arrêté. Chacun sait que ces commissions sont déséquilibrées et que les représentants d’intérêts cynégétiques y siègent en large majorité. La publication d’un compte-rendu de la CDCFS aurait permis au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d’arrêté.
- Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.
LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU :
Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations.
Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants :
- Insuffisance de démonstration de dégâts
- Illégalité destruction « petits » blaireaux
- Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
- Insuffisance de justifications dans la note de présentation
- Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
- Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
- Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
- Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
- Illégalité de l’article R. 424-5 du code de l’environnement
- Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
- Maturité sexuelle des petits non effective
- Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures
SUR LE FOND :
- Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste. - Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
- La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens.
- La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
- Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
À PROPOS DU BLAIREAU :
- Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
- Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
- Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
- La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
- Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
- Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
- Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
- Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
- Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
- En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
- Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)
Consultation en cours.
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