Eure-et-Loir jusqu’au 6 mai 2024 : consultation publique sur la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

La préfecture d’Eure-et-Loir propose à la consultation du public son projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai 2024 au 14 septembre 2024. 

La préfecture a publié une note de présentation.

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 6 mai 2024.

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 6 mai 2024, avec pour titre : Exercice de la vénerie sous terre- Période complémentaire.

La préfecture d’Eure-et-Loir propose une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai 2024 au 14 septembre 2024. 

Nous vous invitons à donner un Avis Défavorable !

SUR LA FORME :

  • Avant toute chose, je suis choqué d’apprendre que « L’Eure-et-Loir a participé à l’étude menée par la fédération nationale des chasseurs sur l’analyse des contenus stomacaux des blaireautins prélevés par vènerie sous terre ». En plus d’avoir laissé tuer des blaireautins, ce que de nombreux tribunaux condamnent en suspendant ou annulant des périodes complémentaires de vénerie sous terre, vous avez encouragé les chasseurs à les mutiler pour prouver que leur estomac ne contient plus de lait au 15 mai. De l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser la vénerie sous terre au 15 mai est donc une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés. 
  • Dans plusieurs départements, la transmission par l’administration des chiffres des prises de blaireaux a prouvé que la vénerie sous terre est une pratique aveugle qui conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Le pourcentage de jeunes tués lors des opérations de vénerie sous terre peut dépasser 40% !
  • Vous affirmez dans les Considérants de votre projet d’arrêté que « les populations de blaireaux en Eure-et-Loir sont en expansion » en vous basant soit sur des données nationales qui ont entre 14 et 23 ans pour les estimations de densité, soit sur des indices de présence qui n’indiquent pas que les populations de blaireaux augmentent, mais seulement qu’il est présent sur un territoire. Vous affirmez d’ailleurs : « Aucun suivi scientifique n’existe pour évaluer l’évolution des populations de blaireau. Néanmoins la fédération comptabilise le nombre de blaireaux observés au cours des comptages nocturnes réalisés sur l’espèce Cerf ». Or si on prend les 4 dernières années post confinement, la moyenne des observations démontre plutôt une stagnation de l’indice nocturne de présence du blaireau lors des comptages cerf. 
  • Vous affirmez dans la note de présentation que : « Le déterrage du blaireau demeure en conséquence une « chasse de loisir » et non une « chasse de régulation » [et que] Le maintien de la période complémentaire ne peut être dépendant d’un niveau de dégâts ou de préjudices comme cela est le cas pour les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. » Or, l’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Votre note de présentation ne donne aucun chiffre relatif aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, récurrence, localisation et coûts). Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité. 
  • Vous affirmez dans les Considérants « que le blaireau ne peut pas être prélevé par la chasse à tir en raison de son activité exclusivement nocturne et du fait qu’il reste dans son terrier la journée ». Pourtant, en moyenne depuis 2018, les prélèvements de blaireaux dans votre département dépassent le nombre de blaireaux pris pendant les périodes de vénerie sous terre. De plus, comme vous affirmez que la vénerie sous terre est une chasse de loisirs, cet argument pour en autoriser la chasse est inutile. 
  • Dans les Considérants de votre projet d’arrêté, vous semblez vouloir justifier l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau par l’augmentation des terriers à proximité d’ouvrages autoroutiers ou de voies SNCF. Pourtant, la vénerie sous terre ne peut pas répondre à ces problématiques, le déterrage ne pouvant en aucun cas être pratiqué à proximité d’une route ou d’une voie ferrée. 
  • Dans l’introduction du projet d’arrêté, on peut lire : « Vu l’avis de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage en date du XXX 2024« . Vous demandez au contributeur de se prononcer sur un projet d’arrêté alors que la CDCFS n’a pas rendu son avis. Pourtant, quelques lignes au-dessous, vous justifiez votre projet d’arrêté en « Considérant l’avis favorable/défavorable des membres de la CDCFS pour une ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau à compter du 15 mai 2024« . Vous savez pertinemment que la CDCFS votera toujours en faveur d’actions de chasse, ces commissions étant composées en large majorité par des représentants des intérêts cynégétiques. Toutefois, attendre leur décision et publier le compte-rendu des échanges aurait permis aux contributeurs de comprendre si votre projet d’arrêté a provoqué des oppositions de la part des associations de protection de l’environnement présentes. 
  • Toujours dans l’introduction à votre projet d’arrêté, vous justifiez l’ouverture de la période complémentaire de vénerie sous terre au 15 mai 2024 « Considérant les risques sanitaires engendrés sur les bovins par le fait que le blaireau peut être porteur de la tuberculose ». Or, en avril 2023, l’ANSES a écrit au Sénateur Arnaud Bazin pour lui confirmer que « 
    les experts ont rappelé les recommandations déjà émises dans le précédent rapport de 2011, selon lesquelles dans les zones indemnes, l’élimination préventive des blaireaux (et autres espèces sauvages) ne peut en aucun cas être justifiée au motif de la lutte contre la tuberculose.
    Depuis cette date, l’évolution de la tuberculose bovine au sein des troupeaux comme de la faune sauvage ne justifie pas un réexamen de notre position scientifique. » Vous ne pouvez donc pas justifier votre projet d’arrêté par le fait que le blaireau peut être porteur de la tuberculose. Pire, cet argument devrait vous inciter à interdire la vénerie sous terre, puisque les chiens envoyés dans les terriers sont susceptibles de répandre des zoonoses. 
  • De plus en plus de tribunaux reconnaissent que les arrêtés autorisant la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau au 15 mai mettent en danger les petits et prononcent des suspensions ou des annulations. En réclamant l’ouverture de la période complémentaire de vénerie sous terre au 15 mai, la FDC28 montre sa méconnaissance de l’espèce et prouve qu’elle défend ses propres intérêts au mépris de l’intérêt général. 
  • Concernant la contradiction entre l’article R-424.5 du Code de l’environnement et l’article L424.10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :
    « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
    La préfecture d’Eure-et-Loir doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R.424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
  •  

À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)