Haute-Marne jusqu’au 15 mai 2024 : consultation publique sur l’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

Alors que la justice administrative vient de condamner la préfecture de la Haute-Marne et d’annuler son arrêté 2023 en ce qu’il prévoyait une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai 2024 au 14 septembre 2024, la préfète, sous la pression du président de la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne et du président de l’association française des équipages de vénerie sous terre, s’apprête à adopter en urgence un nouvel arrêté pour remplacer l’arrêté annulé, portant sur une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juin 2024 au 14 septembre 2024 inclus.

La préfecture de la Haute-Marne a publié une note de présentation, ainsi qu’une note relative à la période complémentaire de vènerie sous terre du blaireau rédigée par la FCD52 et l’AFEVST

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 15 mai 2024.

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 22 mai 2023 avec pour titre : « Consultation du public sur le projet d’arrêté préfectoral autorisant l’exercice de la vénerie sous terre pour une période complémentaire à partir du 1er juin 2024 et jusqu’au 14 septembre 2024 inclus. »

Madame la Préfète de la Haute-Marne,

Par l’ordonnance n°2301424, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a décidé d’annuler votre arrêté du 24 mai 2023, en tant qu’il autorise une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai 2024 au 14 septembre 2024 inclus.

Pourtant, vous avez délibérément choisi de violer cette décision de justice en publiant un projet d’arrêté visant à rétablir la période complémentaire pour laquelle vous avez été condamnée. 

Cette attitude est incompréhensible et insupportable de la part d’une préfète, dont la fonction est définie par l’article 72 de la Constitution de la Cinquième République : « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »

Je vous demande, Madame la Préfète de la Haute-Marne, de ne pas vous rendre hors-la-loi en autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juin 2024 au 14 septembre 2024, alors que votre département ne compte que 2 équipages pratiquant ce mode de chasse.

Je donne donc un avis défavorable à votre projet d’arrêté. 

SUR LA FORME :

  • Dans l’ordonnance 2301424 rendue par le tribunal de Châlons-en-Champagne, on peut lire : « si pour justifier l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau dans le département de la Haute-Marne à partir du 15 mai 2024, la préfète de la Haute-Marne fait valoir que les jeunes blaireaux sont émancipés dans ce département aux alentours de la mi-mai, elle n’apporte aucun élément au soutien de cette allégation. Il ressort en revanche des pièces du dossier, notamment des études scientifiques produites par les associations requérantes, dont la préfète se borne à alléguer le défaut de fiabilité, que les blaireautins, dont la naissance intervient entre janvier et mars, ne sont pas tous sevrés à cette date et que ces derniers ne peuvent être regardés comme émancipés qu’à partir de l’âge de six à huit mois minimum. Il s’ensuit que les blaireautins ne sont pas autonomes lors de la période de chasse complémentaire autorisée par l’arrêté attaqué et doivent, ainsi, encore être qualifiés de petits de mammifères au sens et pour l’application de l’article L. 424-10 du code de l’environnement. » 
    Votre projet d’arrêté est donc toujours aussi illégal et sera contesté devant le tribunal qui vous a déjà condamnée pour les mêmes faits.
  • De votre propre aveux, il n’y a que deux équipages de vénerie sous terre actifs dans votre département. Votre intention de contourner une décision de justice pour répondre aux injonctions de deux équipages de déterreurs montre à quel point votre administration est inféodée au lobby cynégétique, ce qui pose un très grave problème démocratique.
  • Si votre projet d’arrêté est adopté, un recours indemnitaire sera déposé pour violation d’une décision de justice.
  • Dans les Vus de votre projet d’arrêté, on peut lire : « VU le rapport sur l’impact du blaireau pour les activités agricoles en France, édité par les Chambres d’agriculture. »Or, ce rapport n’est pas partagé aux contributeurs. De plus, il ne concerne pas votre département. D’ailleurs, même votre note de présentation n’apporte aucun élément permettant d’attester de dégâts dans votre département. 
  • L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, les éléments mis à disposition des contributeurs n’apportent aucun élément pour justifier l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Vous ne fournissez aucune estimation des populations de blaireaux dans le département et ne donnez aucun chiffre relatif aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, récurrence, localisation et coûts). Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité. 
  • Votre administration a délégué aux représentants des intérêts cynégétiques le soin d’estimer les populations de blaireaux dans le département. Ils ont alors mené deux études : une en 2007 sur 54 communes, et une seconde en 2023 sur seulement 18 communes. Ces études permettent aux chasseurs d’estimer une densité de terriers en nette augmentation. Comment pouvez-vous apporter le moindre crédit à leurs allégations et oser diffuser ces résultats au cours d’une consultation publique alors que votre département compte 426 communes ? Quelle valeur scientifique peut avoir cette étude réalisée sur 4% des communes de votre département ? 
  • Les représentants des intérêts cynégétiques de votre département ont volontairement sur-estimé le nombre de blaireaux pour tenter de rendre leurs prélèvements acceptables. Toutefois, vous reconnaissez que « 90% de ces prélèvements sont effectués durant le période complémentaire » et sont donc illégaux, comme le confirme l’ordonnance du tribunal de Châlons-en-Champagne. 
  • Les chasseurs affirment que 77% des communes haut-marnaises ont fait l’objet d’un arrêté pour cause de dégâts de blaireaux, ce qui reflèterait selon eux l’abondance de l’espèce sur le département. Or, seulement 178 arrêtés ont été délivrés dans le cadre de dégâts causés aux cultures agricoles entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2023.
  • Concernant la contradiction entre l’article R-424.5 du Code de l’environnement et l’article L424.10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :
    « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
    La préfecture de la Haute-Marne doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • L’article L. 123-19-6 du code de l’environnement précise : 
    «1° Les décisions des autorités publiques prises conformément à une décision autre qu’une décision individuelle ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions susceptibles d’être prises conformément à celui-ci.»
    Pourtant, les données que vous fournissez aux contributeurs sont partielles, manipulées et proviennent des lobbies qui font pression sur votre administration pour maintenir l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau malgré la condamnation de la préfecture. Vous contrevenez à l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement et votre projet d’arrêté est entaché d’illégalité. 
  • Dans l’introduction de votre projet d’arrêté, on peut lire : « VU l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage du 23 avril 2024 », commission au cours de laquelle vous avez pris acte de l’annulation de votre précédent arrêté et affirmé devoir prendre en urgence un nouvel arrêté pour permettre la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Je vous rappelle que si vous contournez la décision du tribunal de Châlons-en-Champagne, les associations de protection de l’environnement déposeront un nouveau recours en référé ainsi qu’un recours indemnitaire pour la violation d’une décision de justice. 
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R.424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
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À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)