Creuse jusqu’au 25 juin 2024 : consultation publique sur l’arrêté prévoyant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

La préfecture de la Creuse propose à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet 2024 au 14 septembre 2024.

La préfecture a publié une note de présentation ainsi qu’un plaidoyer contre le blaireau écrit par la fédération des chasseurs.

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 25 juin 2024.

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 25 juin 2024 avec pour titre : « Projet d’arrêté relatif à l’autorisation de l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous-terre du blaireau durant la campagne cynégétique 2024-2025 dans le département de la Creuse. »

Madame la Préfète de la Creuse,

La Direction Départementale des Territoires de la Creuse propose dans son projet d’arrêté une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet 2024 au 14 septembre 2024.

Je souhaite délivrer un avis défavorable !

SUR LA FORME :

  • Il me semble important de rappeler à l’administration que le tribunal administratif de Limoges a annulé l’arrêté préfectoral du 2 juin 2023 en ce qu’il autorisait deux périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau, pour défaut de note de présentation. C’est certainement ce qui a poussé la fédération des chasseurs de la Creuse à commander un rapport à monsieur Mourguiart, qui signe le document annexé en qualité de docteur ès Sciences, mais qui est avant tout le conseiller scientifique officiel de la Fédération régionale des chasseurs de Nouvelle-Aquitaine. Monsieur Mourguiart est donc salarié par la fédération des chasseurs, qui lui demande de servir ses intérêts. En l’espèce, de défendre l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau.
  • Dans le document rédigé par P. Mourguiart, on peut lire que « La fédération ne disposant pas de données précises sur la répartition du Blaireau européen sur ses territoires a lancé, en mai 2024, une enquête auprès de ses adhérents (voir en annexe) ». D’abord, le contributeur n’a pas accès à ces annexes pour savoir quelles questions ont été posées aux membres de la fédération de chasse, ni quel protocole a été suivi pour vérifier la sincérité des réponses. Ensuite, malgré l’absence de données pour estimer la population de blaireaux dans le département, l’auteur, salarié par la fédération de chasse pour défendre ses intérêts, conclue en affirmant que : « Sur la base de publications récentes, il est possible d’estimer la population du département à environ 24 800 blaireaux adultes avant reproduction », ce qui n’est absolument pas étayé scientifiquement dans le document produit.
  • Dans la note de présentation qui reprend sans la moindre précaution l’estimation du nombre de blaireaux avancé par monsieur Mourguiart, on peut lire qu’à cela s’ajoutent les suivis réalisés annuellement lors des comptages nocturnes ainsi qu’à l’occasion des IKAV. Le nombre moyen de blaireaux observés sur les trois secteurs prospectés serait d’une dizaine d’individus par an, dans un département qui compterait 24800 blaireaux selon la fédération de chasse. Dans la réalité, le nombre de blaireaux dans le département de la Creuse est inconnu par votre administration, qui a confié à la fédération de chasse la responsabilité d’avancer un chiffre qui n’a absolument aucun fondement scientifique.
  • Dans le document rédigé par la fédération des chasseurs, on apprend que l’équipage « De Bois Saint-Georges » pratique la vénerie sous terre du blaireau depuis « 14 saisons de chasse consécutives ». L’auteur poursuit en affirmant : «  Au total, l’équipage De Bois Saint-Georges aura prospecté et déterré des blaireaux dans 139 terriers. Cela correspond à une moyenne de 106,5 blaireaux par saison de chasse, ou bien encore 3,62 blaireaux par jour chassé. Ce taux de capture est stable sur l’ensemble de la série, suggérant que la chasse n’a pas impacté significativement la population de blaireaux. » Ces données vont dans le sens des propos tenus par bon nombre de chasseurs, qui avouent que la vénerie sous terre est une chasse récréative qui n’a pas d’objectif de régulation. D’ailleurs, la vénerie sous terre du blaireau peut-être pratiquée légalement du 15 septembre au 15 janvier. Si la majorité des équipages souhaitent la pratiquer lors des périodes complémentaires, c’est simplement parce qu’ils chassent à tir le reste de l’année et que la vénerie sous terre les occupe à une période pendant laquelle la chasse est fermée.
  • On peut également lire dans le document de monsieur Mourguiart que « Depuis la saison de chasse 2017-2018, l’équipage De Bois Saint-Georges note systématiquement le sexe et l’âge (juvéniles vs. adultes) des blaireaux capturés. Cette donnée est particulièrement importante car elle fournit des indications précieuses sur la structure de la population. Ainsi, le pourcentage de juvéniles varie de 23,5 à 34,9 %, la moyenne s’établissant à 30,31 %. » En effet, la vénerie sous terre est une technique de chasse aveugle qui consiste à envoyer un chien dans le terrier pour acculer les blaireaux, puis détruire leur habitat pour les en extraire avant de les tuer. Dans plusieurs départements, la transmission par l’administration des chiffres des prises de blaireaux a prouvé que la vénerie sous terre conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Dans votre département, un tiers des animaux tués lors des opérations de vénerie sous terre sont des jeunes, ce qui va à l’encontre de l’article L. 424-10 du code de l’environnement et s’ajoute à une mortalité déjà élevée chez les blaireautins.
  • De l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser la vénerie sous terre en période complémentaire est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés.
  • Vous citez dans l’introduction de votre projet d’arrêté le rapport du sénateur Pierre Cuypers, Sénateur qui n’a jamais caché sa proximité avec le lobby cynégétique et qui a rendu un rapport à charge contre le blaireau, rapport qui a été dénoncé par plusieurs de ses collègues, mais également par l’ANSES. Je me permets de vous rappeler que concernant la tuberculose, le Sénateur Arnaud Bazin a interrogé l’ANSES suite à la publication de ce rapport du Sénat. Dans sa réponse, l’ANSES a rappelé que la lutte contre la tuberculose bovine ne justifie pas l’élimination préventive du blaireau.
  • L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, la note de présentation n’apporte aucun élément pour justifier cette période complémentaire. Elle ne fournit aucune estimation fiable des populations de blaireaux dans le département, ni aucun détail sur les estimations de dégâts attribuées à l’espèce. Par ailleurs, vous rejetez toutes les mesures préventives qui pourraient solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité.
  • Concernant les dégâts aux infrastructures, la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à une problématique de terrier sous une voie ferrée ou sous une route. Dans de pareilles circonstances, votre administration prend des arrêtés de destructions administratives. Malgré un nombre de prélèvements important par vénerie sous terre, votre administration autorise de nombreuses destructions administratives chaque année, ce qui prouve bien que la vénerie sous terre ne répond pas aux problématiques de dégâts et n’a pas d’objectif de régulation. Il est donc incompréhensible que votre administration autorise un mode de chasse qui va provoquer la mort de 30% de jeunes, pour le simple plaisir des chasseurs.
  • Concernant la contradiction entre l’article R. 424-5 du Code de l’environnement et l’article L. 424-10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes : « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. » 
    La préfecture de la Creuse doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • A la fin de votre note de présentation, on peut lire que « la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, réunie le 24 mai 2024… a émis un avis favorable à l’unanimité ». Or, chacun sait que ces commissions sont déséquilibrées et que les représentants d’intérêts cynégétiques y siègent en large majorité. La publication d’un compte-rendu de la CDCFS aurait permis au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et si les associations de protection de l’environnement étaient présentes et ont émis des réserves sur votre projet d’arrêté. 
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R. 424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »

À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)