Aube jusqu’au 27 mai 2024 : consultation publique sur le projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

Alors que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la préfecture de l’Aube et annulé son arrêté du 23 mai 2022, en ce qu’il autorisait une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau, en méconnaissance de l’article L. 424-10 du code de l’environnement, et qu’il a également suspendu l’arrêté 2023, la préfecture de l’Aube a pris la décision d’ouvrir une nouvelle période complémentaire en 2024. 

Le projet d’arrêté soumis à consultation du public prévoit une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 juin 2024 à l’ouverture générale.

La préfecture a publié une note de présentation, une note technique de la fédération des chasseurs et le rapport du Sénat.

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 27 mai 2024.

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail à :

[email protected]

jusqu’au 27 mai 2024 avec pour titre : « Projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau en 2024″ 

Madame la Préfète de l’Aube,

Alors que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la préfecture de l’Aube et annulé son arrêté du 23 mai 2022, en ce qu’il autorisait une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau, en méconnaissance de l’article L. 424-10 du code de l’environnement, et que votre arrêté 2023 a fait également l’objet d’une suspension, la préfecture de l’Aube a pris la décision d’ouvrir une nouvelle période complémentaire en 2024. 

Je tiens à délivrer un avis défavorable à votre projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau dans le département de l’Aube, du 15 juin 2024 à l’ouverture générale. 

SUR LA FORME :

  • L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, ni votre note de présentation, ni la note technique de la fédération de chasse, n’apportent d’élément pour justifier l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Vous ne fournissez aucun chiffre relatif aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, localisation, récurrence et coûts). Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité. 
  • Votre administration a été condamnée par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a suspendu puis annulé la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau en 2022. Votre arrêté 2023 a également été suspendu. Pourtant, vous proposez dans ce projet d’arrêté d’autoriser une période complémentaire en 2024, sans avoir plus d’éléments pour la justifier. S’il est adopté, votre arrêté sera de nouveau contesté devant le tribunal administratif et votre administration sera de nouveau condamnée.
  • Dans son ordonnance du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné votre arrêté en rapport avec la méconnaissance de l’article L. 424-10 du code de l’environnement. Vous ne pouvez pas réitérer la même erreur en 2024, sans quoi le tribunal sera de nouveau saisi et votre administration poursuivie en responsabilité. 
  • Concernant la contradiction entre l’article R. 424-5 du Code de l’environnement et l’article L. 424-10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :
    « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
    La préfecture de l’Aube doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • De l’aveux même des chasseurs, la vénerie sous terre est une chasse récréative qui n’a pas d’objectif de régulation.
  • Vous relayez l’étude du contenu stomacal des blaireautins menée par la fédération nationale des chasseurs. Selon vous, la présence de lait dans seulement 12,5% des estomacs des blaireautins permettrait de tuer les petits sans contrevenir à l’article L. 424-10 du code de l’environnement, ce qui montre à la fois une méconnaissance de l’espèce et du droit. De l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés. 
  • La vénerie sous terre est une technique de chasse aveugle qui consiste à envoyer un chien dans le terrier pour acculer les blaireaux, puis détruire leur habitat pour les en extraire avant de les tuer. Dans plusieurs départements, la transmission par l’administration des chiffres des prises de blaireaux a prouvé que la vénerie sous terre conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Le pourcentage de jeunes tués lors des opérations de vénerie sous terre peut dépasser 45% ! Elle s’ajoute à une mortalité déjà élevée chez les blaireautins.  
  • Vous ne fournissez aux contributeurs aucune donnée permettant de justifier la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Pourtant l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement précise : 
    «1° Les décisions des autorités publiques prises conformément à une décision autre qu’une décision individuelle ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions susceptibles d’être prises conformément à celui-ci.» 
    Soit ces éléments existent et vous refusez de les transmettre aux contributeurs, en contrevenant à l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement, soit vous ne possédez aucun chiffre et votre projet d’arrêté est alors entaché d’illégalité et la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau devrait être supprimée dans l’arrêté final, pour éviter un recours devant le tribunal administratif. 
  • Dans votre note de présentation, vous écrivez que « La FDC souhaite maintenir une période complémentaire de vénerie du blaireau en précisant que c’est une technique de chasse efficace pour réguler cette espèce essentiellement nocturne. » Je me permets de vous rappeler que la Préfecture de l’Aube, tout comme la DDT de l’Aube, sont tenues de faire respecter la loi et de défendre l’intérêt général, et non de répondre aux injonctions de la fédération des chasseurs, dont seulement 7 équipages interviennent sur l’espèce blaireau. 
  • Le recensement des blaireautières par les chasseurs, à la fois juges et parties, n’apporte pas plus d’élément sur les effectifs de blaireaux de votre département. En l’absence d’information sur la manière dont a été conduit le recensement par les chasseurs, il est impossible d’estimer les effectifs de blaireaux à partir de ces données. Au mieux elle peuvent attester la présence de l’espèce sur une toute petite partie du territoire. Votre administration écrit que « Il est constaté une augmentation du nombre de terriers qui passent de 220 à 300. »  Pourtant, quand on regarde les données transmises par les chasseurs, ce chiffre correspond à l’ensemble des terriers comptabilisés. Si on prend le nombre de terriers principaux, il n’y en a plus que 177. De plus, l’enquête des chasseurs n’a été réalisée que dans 52 communes sur les 431 que compte le département, sur 12%. Il est impossible de tirer des estimations fiables à partir de ces données.  Cela prouve que la volonté de la fédération des chasseurs de l’Aube n’est autre que de manipuler les données pour tenter de convaincre votre administration d’autoriser une chasse, alors que vous ignorez tout des effectifs de blaireaux sur votre territoire. 
  • Concernant les supposés dégâts aux infrastructures, la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à une problématique de terrier sous une voie ferrée ou sous une route. Dans de pareilles circonstances, votre administration prend des arrêtés de destructions administratives et ne fait pas appel à des équipages de vénerie sous terre. 
  • Dans votre note de présentation, on peut lire que : « La CDCFS s’est réunie le 11 avril 2024 et a émis un avis favorable à la mise en place d’une période complémentaire en 2024 mais en limitant les interventions aux communes concernées en 2022 et 2023, par des collisions routières avec des blaireaux ou par des interventions des lieutenants de louveterie. » D’abord, tout le monde sait que la composition de ces commissions est déséquilibrée et que les représentants des intérêts cynégétiques y siègent en majorité. Il n’est donc pas étonnant qu’ils votent en faveur de leurs propres intérêts. Il aurait été plus pertinent de publier un compte-rendu de la CDCFS pour permettre au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d’arrêté. Ensuite, limiter la période complémentaire à 200 blaireaux et aux communes dans lesquelles il y a eu des collisions routières ou des interventions de louvetiers, alors que vous êtes dans l’incapacité de prouver que le blaireau serait à l’origine de dégâts importants, impossibles à résoudre par des méthodes non létales,  montre que vous n’avez toujours pas compris la condamnation du 11 avril 2024 qui insistait sur la méconnaissance de l’article L. 424-10 du code de l’environnement. 
  • Vous tentez de justifier l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau par les risques de collision routière ou les dommages aux infrastructures. Pourtant, vous savez que la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à ce genre de problématique, ne pouvant pas être réalisée à proximité des voies ferrées ou des routes. Seules des solutions permettant un renforcement des ouvrages et la création de terriers artificiels permet de résoudre ces cas précis. Concernant les collisions routières, les blaireaux comme les autres animaux sauvages en sont les principales victimes. Il convient de diminuer la vitesse de circulations dans les zones concernées, et non de les tuer préventivement, ce qui est une aberration totale. 
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R. 424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »

À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)