Deux-Sèvres jusqu’au 22 mai 2024 : consultation publique sur le projet d’arrêté relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse prévoyant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

La préfecture des Deux-Sèvres propose à la consultation du public un projet d’arrêté sur l’ouverture et la fermeture de la chasse autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet 2024 à l’ouverture générale de la chasse.

La préfecture a publié une note de présentation et un rapport à charge contre le blaireau rédigé par la fédération des chasseurs des Deux-Sèvres

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 22 mai 2024. 

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 22 mai 2024 avec pour titre : « Projet d’arrêté préfectoral relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2024-2025 »

Précision importante : enfants, adultes, tout le monde a le droit d’exprimer son avis sur ce projet d’arrêté ! 

Madame la Préfète des Deux-Sèvres, 

La DDT des Deux-Sèvres propose dans son projet d’arrêté sur l’ouverture et la fermeture de la chasse pour la saison 2024/2025 une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau, du 1er juillet 2024 à l’ouverture générale de la chasse.

Si je tiens à féliciter les agents de la DDT qui reconnaissent l’illégalité des périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau avant le 1er juillet, je tiens à donner un avis défavorable à celle qui est concédée aux chasseurs du 1er juillet à l’ouverture générale. 

SUR LA FORME :

  • Vous publiez une note de présentation qui énumère des généralités sur la biologie du blaireau, sa reproduction, la nécessité de le réguler et les dégâts qu’il est susceptible de causer. Pourtant, vous reconnaissez que « En France métropolitaine, la dynamique de l’espèce blaireau reste mal connue car aucun protocole de recensement des populations de blaireaux n’a été à ce jour validé scientifiquement. Toutefois, cette espèce est largement répartie sur le territoire national ». Le fait que le blaireau est présent sur tout le territoire national, et même qu’il est présent dans votre département, n’est pas un indicateur suffisant pour justifier sa chasse. En effet, vous n’en connaissez ni les effectifs, ni la dynamique de ses populations.
  • Le recensement des blaireautières par les chasseurs, à la fois juges et parties, n’apporte pas plus d’élément sur les effectifs de blaireaux de votre département. En l’absence de toute information sur la manière dont a été conduit le recensement par les chasseurs, il est impossible d’estimer les effectifs de blaireaux à partir de ces données. Au mieux elle peuvent attester la présence de l’espèce sur une partie du territoire.
  • En ce qui concerne les déclarations de dégâts, elles ne sont pas documentées. La note des chasseurs fait état de dégâts qui ne peuvent en aucun cas être attribué aux blaireaux. Les chasseurs accusent par exemple l’espèce d’avoir endommagé 7 hectares de pois ou d’avoir tué une brebis, ce qui est totalement absurde. Vous ne fournissez pas aux contributeurs les détails qui permettraient de juger de la véracité des déclarations, de leur périodicité, de leur récurrence et de leur criticité.
  • Concernant les supposés dégâts aux infrastructures, la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à une problématique de terrier sous une voie ferrée ou sous une route. Vous reconnaissez d’ailleurs que dans de pareilles circonstances, votre administration prend des arrêtés de destructions administratives. 
  • L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, la note de présentation n’apporte aucun élément pour justifier cette période complémentaire. Elle ne fournit aucune estimation des populations de blaireaux dans le département. Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité. 
  • Dans la note de présentation, vous affirmez que « Le blaireau est à l’origine de diverses nuisances pour les activités agricoles avec le risque sanitaire avec la tuberculose bovine, zoonose majeure dont le blaireau est un réservoir. Les départements voisins de la Charente-Maritime et de la Charente présentent des foyers de tuberculose bovine. » Or, le risque de tuberculose bovine est un argument pour interdire la vénerie sous terre et non pour l’ouvrir plus précocement. En effet, la vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par des animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, l’ANSES a rappelé en 2023, dans un courrier au sénateur Arnaud Bazin, que la lutte contre la tuberculose bovine ne justifie pas l’élimination préventive du blaireau. La Dordogne expérimente actuellement la vaccination des blaireaux contre la tuberculose bovine, suite au succès de ce programme en Irlande.
  • L’étude des données brutes produites par les chasseurs nous permettent de calculer qu’au cours des périodes complémentaires pour les années cynégétiques 2021/2022 et 2022/2023, le pourcentage de jeunes blaireaux prélevés par les équipages de vénerie sous terre entre le 15 mai et l’ouverture de la chasse dépassait 60% des animaux prélevés. Vous reconnaissez d’ailleurs qu’ « une période complémentaire commençant au 15 mai ne respecterait pas la fin de période de sevrage de tous les blaireautins ce qui conduirait à exercer une chasse sur des petits de mammifères interdit par l’article L. 424-10 du code de l’environnement. Ainsi, la pression de chasse entre le 15 mai et le 15 juin doit être évitée, ce qui permet une meilleure autonomie des plus jeunes blaireautins de l’année. » Toutefois, de l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser la vénerie sous terre au 15 mai est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés. Cependant, les blaireautins restent des petits, y compris au 1er juillet et c’est donc l’intégralité de la période complémentaire qui doit être interdite.
  • Concernant la contradiction entre l’article R. 424-5 du Code de l’environnement et l’article L. 424-10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :
    « L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
    La préfecture des Deux-Sèvres doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • La note de présentation indique que « Le projet d’arrêté et son annexe ont été présentés à l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage du 23 avril 2024 » et que « La commission a émis un avis favorable au projet d’arrêté. » Or, tout le monde sait que la composition de ces commissions est déséquilibrée et que les représentants des intérêts cynégétiques y siègent en majorité. Il n’est donc pas étonnant que ceux qui vous réclament l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau pour leurs propres intérêts votent en faveur de cette mesure. Il aurait été plus pertinent de publier un compte-rendu de la CDCFS pour permettre au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d’arrêté. 
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L.  123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R.424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »

À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)

À PROPOS DES AUTRES ESPÈCES :

  • Votre projet d’arrêté encadre la chasse de plusieurs espèces dont les effectifs sont en déclin. Aussi, je vous demande de ne pas autoriser la chasse de la perdrix grise, de la perdrix rouge,  du faisan, de la bécasse des bois et du lièvre, tout comme l’interdiction de relâcher des animaux issus d’élevages et qui pourraient être responsable d’une pollution génétique et de transmission de maladies. Relâcher des animaux nés dans des élevages pour le simple plaisir de les chasser est une totale aberration à laquelle il faut mettre un terme immédiatement. 
  • L’ouverture anticipée de la chasse du renard est une tradition qui montre que les chasseurs ne comprennent rien à la régulation des espèces. Le renard est un prédateur naturel de nombreux rongeurs qui s’attaquent aux récoltes. Abattre des renards contribue à faire exploser les populations de rongeurs. Il est alors totalement aberrant de permettre une ouverture anticipée de la chasse du renard. Si les chasseurs défendaient l’intérêt général plutôt que leurs intérêts particuliers, ils s’opposeraient à cette ouverture anticipée.
  • Vous ne devriez pas autoriser la chasse à tir du blaireau jusqu’au 28 février, puisque cela implique que des femelles gestantes sont susceptibles d’être abattues.