Ille-et-Vilaine jusqu’au 2 mai 2024 : consultation publique autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau

Le Projet d'arrêté

Malgré la suspension des arrêtés qui encadraient les périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau en 2022 et 2023, la préfecture d’Ille-et-Vilaine persiste en proposant à la consultation du public un projet d’arrêté visant à autoriser une période complémentaire du 1er juin 2024 au 14 septembre 2024. 

Comme à son habitude, la préfecture d’Ille-et-Vilaine anticipe l’annulation de son précédent arrêté en doublant la prochaine période complémentaire, puisque l’arrêté 2023 prévoyait déjà l’ouverture de la période complémentaire au 1er juin 2024. 

Nous ne nous laisserons pas décourager par les manoeuvres totalement illégales de la préfecture de l’Ille-et-Vilaine et prévoyons d’attaquer la préfecture en responsabilité.

La préfecture  a publié une une note de présentation et une annexe spécifique aux blaireaux qui contient des données incohérentes sur le blaireau et des chiffres différents de ceux que cette même préfecture nous a communiqué en 2021.  

AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 2 mai 2024.

Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé via le formulaire dédié  jusqu’au 2 mai 2024.

Afin d’éviter toute impossibilité de donner votre avis, nous vous conseillons de l’envoyer au minimum un jour plus tôt avant la fin de la consultation. Si possible, envoyez votre avis dès réception de cette publication. 

Monsieur Philippe GUSTIN, Préfet d’Ille-et-Vilaine,

Je tiens à m’opposer au projet d’arrêté portant autorisation d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juin 2024 au 14 septembre 2024.

SUR LA FORME :

  • Depuis la suspension de la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau 2022 par le tribunal administratif, votre administration ne cesse de chercher des moyens de contourner le droit. 
  • Une nouvelle fois, alors que votre arrêté 2023 a été suspendu et risque une annulation, les agents de la DDT35 ont pris soin de mettre en débat, dans la présente consultation, la période complémentaire allant du 1er juin 2024 au 14 septembre 2024, alors que votre arrêté 2023 prévoyait déjà une ouverture au 1er juin 2024. Ces procédés montrent une obstination irraisonnée de la part de votre administration, au seul bénéfice d’une poignée de chasseurs. 
  • Plus de 43500 citoyens, choqués par vos méthodes, ont signé la pétition mise en ligne par l’association AVES France pour dénoncer les manoeuvres intolérables de votre administration, sans obtenir la moindre réponse de vos services. Monsieur le Préfet, comptez-vous laisser ces agissements impunis, alors qu’ils ternissent votre propre image en tant que signataire de ces arrêtés, mais aussi celle de votre département ?
  • Les « données blaireaux » que vous relayez en annexe à votre note de présentation contiennent presque exclusivement des données fournies par la fédération des chasseurs d’Ille-et-Vilaine, laquelle vous réclame d’autoriser la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau dans votre département. Les chasseurs sont donc juges et parties, avec une administration qui se contente de relayer leurs demandes sans remettre en cause leur impartialité. 
  • La note de présentation publiée ne mentionne aucune information fiable relative au blaireau. Les données ont été fournies par la FDC sur la base d’observations, sans aucun cadre scientifique.
  • Les données sur le blaireau fournies en annexe à votre note de présentation sont partiales et manipulées. En effet, vous affirmez que « Ces comptages sont réalisés en janvier et février, sur 100% des communes d’Ille-et-Vilaine sur une période de trois ans (1/3 par année), de façon systématique depuis 2003. » Sur 331 communes, seules 113 ont observé au moins un blaireau entre 2020 et 2022. Pourtant, pour votre graphique intitulé « Part des communes ayant vu au moins un blaireau », vous manipulez volontairement les échelles en ne sélectionnant plus que 87 communes, dont 80% hébergent des blaireaux. Cette manipulation de données se poursuit sur votre carte départementale qui laisse penser que l’ensemble du territoire héberge des blaireaux, alors que le blaireau n’a été vu que dans 1/3 des communes lors des derniers comptages. 
  • Ces manipulations des données montrent le parti pris de ses auteurs, qui cherchent à manipuler l’administration et ses décisions. Relayer ces documents alors qu’ils sont contestés depuis 2022 montre au mieux votre mépris pour les contributeurs, au pire la collusion de votre administration avec la fédération des chasseurs. 
  • On peut dans tous les cas considérer que l’état des populations de blaireaux n’est pas connu, puisque les seules données sont issues de comptages réalisés par les chasseurs eux-mêmes, qui considèrent que le blaireau est présent dans une commune dès qu’un individu y est observé, une fois tous les trois ans. 
  • L’interprétation des données par la FDC est partiale et erronnée. Aussi, alors que le blaireau n’a été aperçu entre 2020 et 2022 que dans 113 communes sur les 331 prospectées, la carte de présence du blaireau lors des comptages indique que le blaireau est présent sur 238 communes, puisque des données anciennes et non pertinentes, datant de plus de 10 ans, y ont été ajoutées !
  • Les données liées aux blaireaux victimes de collisions routières ne sont en aucun cas de nature à justifier votre projet d’arrêté. Le blaireau est victime de ces collisions, comme le reste de la faune sauvage, et n’en est en aucun cas le responsable. Le rôle de votre administration est de limiter la vitesse de circulation dans les zones dangereuses, et non d’éliminer toute les animaux sauvages, susceptibles d’être les victimes collatérales des excès de vitesse. 
  • L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. Or, la note de présentation publiée n’apporte aucun chiffre relatif aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, récurrence, localisation et coûts). Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. En moyenne sur les 5 dernières années, seuls 7,4 blaireaux par an ont été prélevés en Ille-et-Vilaine dans le cadre de la louveterie, c’est-à-dire lors de destructions administratives liées à des déclarations de dégâts. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité. 
  • Rien n’est mentionné concernant le chiffrage d’éventuels dégâts causés aux cultures agricoles par le blaireau. Rédiger une liste d’hypothétiques dégâts liés à la présence du blaireau sans pouvoir en justifier aucun n’est pas suffisant pour autoriser une période complémentaire de vénerie sous terre. 
  • Dans les Vus de votre projet d’arrêté, on peut lire : «Vu l’avis de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage du 3 avril 2024. » Or, aucun compte-rendu de la CDCFS n’est annexé à la note de présentation permettant au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d’arrêté. Il n’est pas étonnant que la CDCFS ait donné un avis favorable puisque chacun sait que ces commissions sont déséquilibrées et que les représentants d’intérêts cynégétiques y siègent en large majorité. Toutefois, cet avis n’est que consultatif et votre administration a le devoir de ne pas suivre cet avis quand elle sait pertinemment qu’il va à l’encontre du droit et que votre préfecture sera sanctionnée par le tribunal suite à l’adoption d’un arrêté litigieux.
  • Concernant la contradiction entre l’article R-424.5 du Code de l’environnement et l’article L424.10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :
    «L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
    La préfecture de l’Ille-et-Vilaine doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements.
  • Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’« au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.
  • De plus en plus de tribunaux reconnaissent que les arrêtés autorisant la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau précoce mettent en danger les petits et prononcent des suspensions ou des annulations. En réclamant l’ouverture de la période complémentaire de vénerie sous terre au 1er juin, la FDC35 montre sa méconnaissance de l’espèce et prouve qu’elle défend ses propres intérêts au mépris de l’intérêt général.

LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU : 

Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations. 

Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants : 

  • Insuffisance de démonstration de dégâts
  • Illégalité destruction « petits » blaireaux
  • Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
  • Insuffisance de justifications dans la note de présentation
  • Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
  • Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
  • Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
  • Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
  • Illégalité de l’article R.424-5 du code de l’environnement
  • Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
  • Maturité sexuelle des petits non effective
  • Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures

SUR LE FOND : 

  • Plusieurs départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
    En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste.
  • Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
  • La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens. 
  • La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
  • Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
  •  

À PROPOS DU BLAIREAU :

  • Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
  • Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
  • Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
  • La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
  • Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
  • Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
  • Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
  • Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
  • Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
  • En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
  • Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)

Concernant la chasse du renard : 

L’ouverture anticipée de la chasse du renard au 1er juin est une tradition qui montre que les chasseurs ne comprennent rien à la régulation des espèces. Le renard est un prédateur naturel de nombreux rongeurs qui s’attaquent aux récoltes. Abattre des renards contribue à faire exploser les populations de rongeurs. Il est alors totalement aberrant de permettre une ouverture anticipée de la chasse du renard. Si les chasseurs défendaient l’intérêt général plutôt que leurs intérêts particuliers, ils s’opposeraient à cette ouverture anticipée.

De plus, votre projet d’arrêté est illégal puisqu’il prévoit d’autoriser la chasse à tir du renard du 1er juin 2024 au 31 mai 2025, alors que l’Arrêté du 3 août 2023 pris pour l’application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts prévoit que le renard ne peut être détruit à tir que sur autorisation individuelle délivrée par le préfet entre la date de clôture générale et le 31 mars au plus tard et au-delà du 31 mars sur des terrains consacrés à l’élevage avicole.