Le Projet d'arrêté
La préfecture de la Somme propose à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant une battue administrative du blaireau (piégeage à l’aide de pièges collets munis d’un arrêtoir) du 21 juin au 9 juillet 2023.
La préfecture a publié une note de présentation.
AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 5 juin 2023.
Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé.
Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 5 juin 2023 avec pour titre : « Arrêté autorisant une battue administrative du blaireau »
Précision importante : enfants, adultes, tout le monde a le droit d’exprimer son avis sur ce projet d’arrêté !
Monsieur le Préfet de la Somme,
Je tiens à donner un AVIS DÉFAVORABLE à votre projet d’arrêté préfectoral autorisant une battue administrative du blaireau sur les communes de l’unité de gestion n°5 « Les Evoissons », Conty et Poix-de-Picardie, du 21 juin au 9 juillet 2023, à l’aide de pièges collets munis d’un arrêtoir.
SUR LA FORME :
- Vous publiez une note de présentation qui énumère des généralités sur le blaireau et sur les dégâts qu’il est susceptible de causer. Pourtant, vous reconnaissez que : « Il n’existe pas de données précises pour quantifier avec exactitude la population de blaireaux dans le département de la Somme. » Pour estimer les effectifs de blaireaux dans votre département, vous utilisez une carte de l’évolution des densités de blaireaux sur l’ensemble de la France métropolitaine dont les données datent de plus de 20 ans pour les plus anciennes et 11 ans pour les plus récentes. Quant à la carte interactive de l’OFB, elle indique au plus une densité comprise entre 0,1 et 0,18 sur une échelle dont le maximum est à 1. Les données utilisées pour cette carte datent de 2001 pour les plus anciennes et 2010 pour les plus récentes en ce qui concerne la densité de blaireaux, donc des données qui ont entre 13 et 22 ans ! En tout état de fait, les zones les plus peuplées de votre département abritent 5 à 10 fois moins de blaireaux que les départements les plus peuplés, ce qui n’est pas de nature à justifier l’organisation de destructions administratives.
- Dans votre note de présentation, vous tentez de justifier d’une population de blaireaux qui explose dans votre département, avec 285 blaireautières recensées par Picardie Nature en 1983 et 1617 blaireautières rencensées en 2014 par la fédération des chasseurs de la Somme. Si une augmentation peut s’expliquer par l’interdiction des gazages des animaux dans leur terrier, les chiffres de la FDC sont à prendre avec beaucoup de précaution. En effet les blaireautières sont souvent anciennes et complexes. Il est facile de manipuler les chiffres en confondant volontairement ou par ignorance les terriers principaux, annexes et secondaires, ce qui fausse l’estimation des effectifs. De plus, la présence d’une blaireautière ne garantie pas que des blaireaux vivent à l’intérieur.
- Vous affirmez que « Les données de prélèvements (vénerie sous terre, tirs de nuits par les louvetiers, piégeages par les lieutenants de louveterie), l’estimation des dégâts agricoles occasionnés par le blaireau en 2022, le suivi des collisions sur le département, fournis par la Fédération des chasseurs de la Somme, permettent de confirmer la présence d’une population non déclinante de blaireau dans le département sur le territoire de l’unité n°5 « Les Evoissons », Conty et Poix-de-Picardie. » Vous ne pouvez pas vous baser sur les prélèvements pour estimer les effectifs d’une population de blaireaux. De plus, l’ensemble des documents vous est fournie par la FDC, juge et partie, et ils ne sont pas disponibles pour que le contributeur puisse se forger un avis sur votre projet d’arrêté.
- Dans votre note de présentation, vous énumérez une liste de dommages qui selon vous peuvent être attribués aux blaireaux. La FDSEA de votre département, affirme que le montant des dégâts sur les parcelles agricoles attribués à l’espèce en 2022 s’élève à 85000€. Vous ne fournissez aucune donnée permettant de vérifier la véracité de cette affirmation, la fréquence et la criticité de ces supposés dégâts.
- L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, la note de présentation n’apporte aucun élément pour justifier cette battue administrative. Elle ne fournit aucune donnée récente sur l’estimation des populations de blaireaux dans le département. Vous ne fournissez aucune donnée pour vérifier les déclarations de dégâts rapportées par la FDSEA. Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie ces destructions administratives du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité.
- Vous affirmez que « le blaireau arrive en troisième position des espèces percutées sur le réseau samarien. » Le blaireau est victime des collisions routières et n’en est pas responsable. Il n’est d’ailleurs pas le seul animal sauvage concerné. Le rôle de la préfecture n’est-il pas d’éviter ces collisions en limitant la vitesse de circulation sur les portions de route concernées ?
- Vous faites une grave erreur d’interprétation quand vous citez T. J. Roper, qui dit quele sevrage a lieu vers 12 semaines, le plus souvent entre mai et juin, mais peut s’étaler d’avril à juin. Cependant les jeunes peuvent accompagner leur mère à la recherche de nourriture pendant plusieurs mois. Vous en déduisez que pour « prévenir le risque de destruction de femelles allaitantes, l’opération projetée ne démarrera pas avant le 21 juin. »
Or, de l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. C’est d’ailleurs ce que dit Roper. Citer cet éminent scientifique pour, quelques lignes plus tard, justifier l’abattage de blaireautins, montre au mieux une incompréhension, au pire une manoeuvre honteuse pour justifier un acte de chasse qui n’a aucune légitimité. - Votre projet d’arrêté est limité dans le temps et l’espace, mais le nombre d’animaux prélevés est illimité. Or, les données que vous fournissez ne nous permettent pas de calculer la mortalité anthropogénique. Emmanuel DO LINH SAN estime, dans son ouvrage Le blaireau d’Eurasie, que « lorsque les facteurs de mortalité anthropogénique occasionnent des pertes supérieures à 20% dans une population de blaireaux, celle-ci va inévitablement régresser. » Le département de la Somme ne peut pas autoriser de pression sur les populations de blaireaux sans être capable d’estimer par une méthode scientifique fiable le nombre d’individus sur son territoire, au risque d’être en infraction avec l’article L. 420-1 du Code de l’environnement si vous mettez en danger vos populations de blaireaux pour le seul intérêt des chasseurs.
- Les données de la note de présentation sont partielles et ne permettent pas de justifier la battue administrative du blaireau par piégeage. Pourtant l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement précise :
«1° Les décisions des autorités publiques prises conformément à une décision autre qu’une décision individuelle ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions susceptibles d’être prises conformément à celui-ci.»
Soit ces éléments existent et vous refusez de les transmettre aux contributeurs, en contrevenant à l’article L. 123-19-6 du code de l’environnement, soit vous ne possédez aucun chiffre et votre projet d’arrêté est alors entaché d’illégalité et la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau devrait être supprimée dans l’arrêté final, pour éviter un recours devant le tribunal administratif. - Il semblerait que la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) n’a pas été consultée sur ce projet d’arrêté, ce qui rend votre projet illégal.
- Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.
LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU :
Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations.
Insuffisance de démonstration de dégâts :
- TA de Poitiers, 27 juillet 2021, ord. réf. 2101749
- TA de Dijon, 15 mars 2022, ord. réf. n°2001288
- TA Limoges, 2 juin 2022, ord. réf. n°2200673
- TA Châlons-en-Champagne, 7 juin 2022, ord. réf. n°2201104
- TA Toulouse, 13 juin 2022, ord. réf. n°2202855
- TA Poitiers, 23 juin 2022, ord. réf. n°2201368
- TA Châlons-en-Champagne, 18 juillet 2022, ord. réf. n°2201437
- TA Limoges, 13 octobre 2022, n°2200675
- TA de Clermont-Ferrand, 27 avril 2023, n°2001398
- TA de Caen, 15 mai 2023, ord. réf. 2301116
Illégalité destruction « petits » blaireaux :
- TA de Poitiers, 27 juillet 2021, ord. réf. 2101749
- TA de Dijon, 15 mars 2022, ord. réf. n°2001288
- TA Châlons-en-Champagne, 7 juin 2022, ord. réf. n°2201104
- TA Poitiers, 23 juin 2022, ord. réf. n°2201368
- TA de Caen, 29 juillet 2022, ord. réf. n°2201607
- TA Châlons-en-Champagne, 18 juillet 2022, ord. réf. n°2201437
- TA d’Amiens, 21 juin 2022, 2201808
- TA Toulouse, 13 juin 2022, ord. réf. n°2202855
- TA de Pau, 04 mai 2023, ord. réf n°2301024
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301071
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301069-2301072
Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage :
- TA de Limoges, 13 octobre 2022, ord. réf. n°2200675
Insuffisance de justifications dans la note de présentation :
- CAA Bordeaux, 9 juillet 2019, ord. réf n°17BX02598
- TA de Châlons-en-Champagne, 7 juin 2022, ord. réf n°2201104
- TA d’Amiens, 21 juin 2022, ord. réf n°2201808
- TA de Châlons-en-Champagne, 18 juillet 2022, ord. réf n°2201437
- TA de Caen, 29 juillet 2022, ord. réf n°2201607
- TA d’Orléans, 24 mars 2022, ord. réf n°1902761
- TA de Bordeaux, 18 décembre 2020, ord. réf n°2003689
- TA de Rennes, 12 avril 2021, ord. réf n°1903966
- TA de Poitiers, 27 juillet 2021, ord. réf n°2101749
- TA de Poitiers, 23 juin 2022, ord. réf n°2201368
- TA de Nantes, 27 octobre 2022, ord réf n°1908282
- TA de Clermont-Ferrand, 27 avril 2023, ord. réf n°2001398
- TA de Lyon, 4 octobre 2022, ord. réf n°2107074-2107316
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301071
Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux :
- TA de Clermont-Ferrand, 27 avril 2023, ord réf n°2001398
- TA de Nantes, 27 octobre 2022, ord réf n°1908282
- TA de Limoges, 5 mai 2023, ord. réf n°2300607,2300728
Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés :
- TA Toulouse, 13 juin 2022, ord. réf. n°2202855
Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301071
Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301071
- TA de Caen, 15 mai 2023, ord. réf n°2301116
Illégalité de l’article R.424-5 du code de l’environnement
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301071
- TA de Caen ,10 mai 2023, ord. réf n°2301069-2301072
Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301071
- TA de Caen, 10 mai 2023, ord. réf n°2301069-2301072
Consultation en cours.
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