Le Projet d'arrêté
La préfecture du Loir-et-Cher propose à la consultation du public dans l’article 1 de son projet d’arrêté une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai au 15 septembre 2023.
La préfecture a publié une note de présentation quelques éléments d’informations contestables pour tenter de justifier cette période complémentaire.
AVES France vous invite à vous opposer à ce projet d’arrêté jusqu’au 7 mai 2023.
Important : pour que votre avis soit pris en compte, ne faites pas de copié-collé mais rédigez un message personnalisé. Il doit-être envoyé par mail, jusqu’au 7 mai 2023, avec pour titre : projet d’arrêté portant sur l’ouverture et clôture de la vénerie sous terre du blaireau dans le Loir-et-Cher.
Précision importante : enfants, adultes, tout le monde a le droit d’exprimer son avis sur ce projet d’arrêté !
Monsieur le Préfet,
La Direction Départementale des Territoires du Loir-et-Cher a publié un projet d’arrêté relatif à l’ouverture et à la clôture de la vénerie sous terre du blaireau en 2023. Je souhaite m’y opposer en déposant un avis défavorable en ce qu’il prévoit une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai au 15 septembre 2023.
SUR LA FORME :
- La note de présentation fait état de deux cartes comparatives entre 2001 et 2011 basées sur des observations visuelles. Celle-ci conclut hâtivement que les mailles de présence ont été multipliées par 5,5 en 10 ans. Or, dans l’intervalle 2001 et 2011 l’intérêt du public pour participer au signalement de données d’observations a augmenté considérablement au même titre que l’essor d’internet et les outils numériques qui ont grandement facilité le signalement des observations visuelles. Ces cartes comparatives ne sont par conséquent aucunement révélatrices de l’augmentation des effectifs sur le territoire. De plus, un même individu a pu être observé sur des mailles contiguës, un seul individu peut alors cocher plusieurs mailles. En conclusion cette carte n’est pas absolument pas révélatrice d’une forte densité; celle-ci est juste indicatrice d’une présence relative de l’espèce.
- Idem pour la carte de répartition de l’espèce, celle-ci n’indique pas à quelle densité l’espèce est présente.
- Il est également précisé que 29 blaireaux ont été prélevés par la vénerie sous terre, contre 327 par d’autres modes (tir et collisions). Si les prélèvements par déterrage sont faibles par rapport à la mortalité causée par la chasse à tir et les collisions, les prélèvements par déterrages n’ont pas lieu d’être autorisés compte tenu de la forte mortalité non naturelle, celle-ci s’ajoutant à la mortalité naturelle. On ne peut que constater que ces chiffres sont très élevés, et dans ces conditions une augmentation des effectifs n’est évidemment pas possible. Nous rappelons que, selon le scientifique Emmanuel DO LINH SAN, « lorsque les facteurs de mortalité anthropogénique occasionnent des pertes supérieures à 20% dans une population de blaireaux, celle-ci va inévitablement régresser. »
- Les chiffres relatifs aux déclarations de dégâts semblent totalement farfelues. Le blaireau serait responsable de plus de 28.000 euros de dégâts sur des fourrages, sans plus de précisions. Les déclarations de dégâts n’étant pas disponibles, le doute est permis sur ces chiffres, d’autant plus que des dégâts sur des fourrages par le blaireau ne sont d’habitude jamais signalés.
- L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. Le public n’a accès à aucun détail quant aux chiffres relatifs aux dégâts causés aux cultures agricoles (nature, localisation et coûts). Par ailleurs, il n’est mentionné nulle part la mise en place de mesures préventives qui pourraient facilement solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie cette période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité.
- Concernant la contradiction entre l’article R-424.5 du Code de l’environnement et l’article L424.10 du même code, la DDT de l’Ardèche reconnait que l’autorisation de la période complémentaire est préjudiciable à la survie des jeunes :« L’exercice de la vénerie sous terre du Blaireau s’exerçait précédemment pendant une période de chasse complémentaire ouverte du 15 mai à l’ouverture générale. Il apparaît que cette période de chasse peut porter un préjudice à des jeunes pas encore émancipés. Le projet d’arrêté prévoit de différer le début de cette période complémentaire au 1er août 2022. »
La préfecture du Loir-et-Cher doit tenir compte de cette notification sur la période de dépendance des jeunes, qui est valable pour tous les départements. - Dans les Vus du projet d’arrêté, on peut lire : « Vu l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage en date du 6 avril
2023 « . L’absence de compte-rendu de la CDCFS ne permet pas aux citoyens de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées par votre projet d’arrêté. Son avis favorable n’est pas suffisant, puisque tout le monde sait que ces commissions sont déséquilibrées et que les représentants d’intérêts cynégétiques y siègent en majorité. - Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.
LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU :
Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations.
Insuffisance de justifications dans la note de présentation :
- CAA Bordeaux, 9 juillet 2019, ord. réf n°17BX02598
- TA de Châlons-en-Champagne, 7 juin 2022, ord. réf n°2201104
- TA d’Amiens, 21 juin 2022, ord. réf n°2201808
- TA de Châlons-en-Champagne, 18 juillet 2022, ord. réf n°2201437
- TA de Caen, 29 juillet 2022, ord. réf n°2201607
- TA de Bordeaux, 18 décembre 2020, ord. réf n°2003689
- TA de Rennes, 12 avril 2021, ord. réf n°1903966
- TA de Poitiers, 27 juillet 2021, ord. réf n°2101749
- TA de Poitiers, 23 juin 2022, ord. réf n°2201368
- TA de Dijon, 30 mars 2023, ord. réf. n°2201600, 2201740
- TA de Clermont-Ferrand, 27 avril 2023, ord. réf. n°2001398
Insuffisance de démonstration de dégâts :
- TA de Poitiers, 27 juillet 2021, ord. réf. 2101749
- TA de Dijon, 15 mars 2022, ord. réf. n°2001288
- TA Limoges, 2 juin 2022, ord. réf. n°2200673
- TA Châlons-en-Champagne, 7 juin 2022, ord. réf. n°2201104
- TA Toulouse, 13 juin 2022, ord. réf. n°2202855
- TA Poitiers, 23 juin 2022, ord. réf. n°2201368
- TA Châlons-en-Champagne, 18 juillet 2022, ord. réf. n°2201437
- TA Limoges, 13 octobre 2022, n°2200675
Illégalité destruction « petits » blaireaux :
- TA de Poitiers, 27 juillet 2021, ord. réf. n°2101749
- TA de Dijon, 15 mars 2022, ord. réf. n°2001288
- TA Châlons-en-Champagne, 7 juin 2022, ord. réf. n°2201104
- TA Poitiers, 23 juin 2022, ord. réf. n°2201368
- TA de Caen, 29 juillet 2022, ord. réf. n°2201607
- TA Châlons-en-Champagne, 18 juillet 2022, ord. réf. n°2201437
- TA d’Amiens, 21 juin 2022, 2201808
Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage :
- TA de Limoges, 13 octobre 2022, ord. réf. n°2200675
- TA de Clermont-Ferrand, 27 avril 2023, ord. réf. n°2001398
SUR LE FOND :
- Certains départements n’autorisent plus la période complémentaire du blaireau, et notamment les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l’Aude, des Bouches-du-Rhône (depuis 2016), de la Côte d’Or (depuis 2015), de l’Hérault (depuis 2014), du Var, du Vaucluse, des Vosges, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
En 2021, les administrations des départements de l’Ariège, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Charente, Dordogne, Doubs, Loire, Morbihan, Pyrénées Orientales, Seine Maritime, Haute-Saône, Tarn, Yvelines et Yonne ne l’ont pas autorisée pour la première fois. En 2022, la Gironde, l’Isère et l’Ardèche ont rejoint cette liste. . - Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
- La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure.
- Les jeunes blaireaux de l’année ne sont pas entièrement sevrés et dépendent encore des adultes bien au delà du 15 mai. En effet, les périodes choisies pour ces périodes complémentaires de chasse du blaireau sont en contradiction avec l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, selon lequel « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ».
- Les jeunes blaireaux ne sont absolument pas sevrés et forcément ne sont pas émancipés au moment des périodes complémentaires de chasse du blaireau comme l’a démontré l’étude « Contribution à l’étude de la reproduction des Blaireaux Eurasiens (Meles meles) et de la période de dépendance des blaireautins en France » réalisée par Virginie Boyaval, éthologue sur le blaireau : « […] au mois de mai, juin, juillet, les blaireaux juvéniles ne peuvent pas survivre sans leur mère. Ils sont sevrés à l’âge de 4 mois et commencent progressivement leur émancipation pour une durée de plusieurs mois s’étalant de 1 à 4 mois et ne peuvent donc être considérés comme étant émancipés qu’à partir de l’âge de 6 à 8 mois minimum. La destruction des blaireaux compromet le succès de reproduction de l’espèce. La destruction des mères allaitantes, laisse de nombreux orphelins incapables de survivre seul ». Par conséquent pour épargner la nouvelle génération, il faut prendre en considération non pas la période de sevrage mais la période de dépendance des jeunes qui va jusqu’à la fin de leur premier automne ; il convient donc de préserver la vie des mères jusqu’à la fin de la période de dépendance des jeunes afin que ceux-ci puissent survivre.
- La période d’allaitement des blaireautins s’étale au-delà du 15 mai, et les jeunes restent dépendants jusqu’à l’automne, ils sont donc présents dans les terriers pendant la période de déterrage. Il est donc nécessaire de prendre en considération la période dépendance des jeunes comme référence et non pas le sevrage lui-même si l’on veut respecter la survie des jeunes.
- La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) » source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
- Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
- Il faut obligatoirement que la totalité de la période de chasse du blaireau, qu’elle soit assortie d’une période complémentaire ou non, fasse l’objet de déclaration d’intervention auprès de la DDT et d’un compte-rendu de cette intervention. La fédération doit également être capable de fournir, lors de la commission, des éléments pertinents et exhaustifs sur les bilans annuels de tirs et de déterrage et non des données approximatives qui ne permettent pas d’avoir une idée de ce que cela représente par rapport aux populations départementales. Ces éléments chiffrés doivent être rendus publics.
À PROPOS DU BLAIREAU :
- Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
- Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
- Aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». Or, l’article R424-5 du même code précise toutefois que le préfet peut autoriser l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai, cet article contrevient donc au précédent.
- La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
- Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
- Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
- Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
- Les bilans annuels relatifs à la vénerie sous terre sont généralement très bas et ne régulent pas du tout les populations. Les collisions routières ont certainement un impact bien plus important que le déterrage. Si ces prélèvements ne permettent pas de réguler les populations (pour de quelconques raisons sanitaires ou économiques), alors pourquoi continuer d’accorder des autorisations de déterrage, si ce n’est de contenter quelques acharnés de la pratique de vénerie sous terre ?
- Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
- En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
- Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)
Consultation en cours.
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